Bonjour à tous !
Je vis actuellement en Colombie et souhaite vous partager mes portraits de ce magnifique pays.
Le format que j'ai adopté est le suivant : chaque portrait sera accompagné d’un texte décrivant le quotidien ou une anecdote de la personne en photo. Ce texte sera écrit à la première personne. Je souhaite réaliser ce travail afin que les personnages présentés ici ne restent pas des inconnus, je souhaite vous donner l’impression de les connaître, de partager un petit bout de leur vie. Parfois ces courts textes aborderont des problématiques particulièrement importantes dans la zone où ont été prises les photos. C’est donc aussi un travail d’information et de sensibilisation que je souhaite réaliser à travers ces photos. Le texte me sera en général inspiré d’une conversation avec la personne du cliché, ou avec d’autres rencontrées dans la même région et face aux mêmes problématiques. Il est important de préciser que ces textes ne seront donc pas forcement une stricte retranscription des mots du modèle mais plutôt une impression générale de ce que j’ai ressenti en prenant la photo et en discutant avec la population de la région.
Mon travail est aussi visible sur cette page
https://www.facebook.com/camillegiulianophotographe?ref=hl, où les photos seront plus nombreuses, de meilleure qualité et les textes plus complets. N'hésitez pas à me suivre sur la page pour ne rien rater
# 1 Roberto – Vit sur côte caraïbe colombienne
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- 3-Tayrona (6).jpg (180.01 Kio) Vu 2004 fois
- Photo prise le: Mardi 23 Septembre 2014 8:18
- Focale: 135 mm
- Vitesse de fermeture: 1/500 Secs
- Nombre-F: F/2
- Vitesse ISO: 100
- Balance des blancs: Auto
- Flash: Le flash ne s'est pas déclenché, mode flash obligatoire
- Modèle d'appareil-photo: Canon EOS 60D
- Programme d'exposition: Manuel
- Correction d'exposition: 0 EV
- Mode de mesure: Pattern
- Logiciel: Adobe Photoshop CS6 (Windows)
Les mots de Roberto :La pêche a plutôt été bonne aujourd’hui. Chaque jour je pars pêcher de 3 heures du matin à 17h sur mon petit bateau à moteur. Je ramène quelques livres de poisson que je vends aux marchés et restaurants alentours. Ces derniers les revendent 4 à 5 fois plus cher. Chaque poisson ne me rapporte que très peu d’argent, environ 2000 pesos colombiens (moins d’un euro) sans compter que l’essence est très chère ici. Si j’en avais la possibilité je revendrais moi-même directement mon poisson mais je suis un piètre commerçant. Je ne suis allé à l’école que jusqu’à mes 9 ans et pas tous les jours. Mon père avait besoin de moi à la pèche. J’ai appris vite, c’était vital… Depuis des générations ma famille ne survit péniblement que grâce aux hommes qui pèchent depuis leur plus jeune âge.
# 2 Sukua – Fait partie de la communauté Kogi, vit dans la Sierra Nevada, Colombie
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- 6-Ciudad Perdida (75)d.jpg (153.8 Kio) Vu 2004 fois
- Photo prise le: Lundi 06 Octobre 2014 9:43
- Focale: 135 mm
- Vitesse de fermeture: 1/800 Secs
- Nombre-F: F/2
- Vitesse ISO: 100
- Balance des blancs: Auto
- Flash: Le flash ne s'est pas déclenché, mode flash obligatoire
- Modèle d'appareil-photo: Canon EOS 60D
- Programme d'exposition: Manuel
- Correction d'exposition: 0 EV
- Mode de mesure: Pattern
- Logiciel: Adobe Photoshop CS6 (Windows)
Les mots de Sukua :Elle s’est encore vengée, elle souffre, cela ne peut plus durer. Hier soir, elle a pris mon mari. La foudre est tombée sur la maison dans laquelle ils se réunissaient lui et les autres mamus. La Terre Mère veut récupérer ce qui lui a été volé. Les petits frères ne comprennent pas. Il n’y a ni bien ni mal dans la nature seulement équilibre et déséquilibre. Nous les grands frères sommes les gardiens de l’équilibre. Sans lui, il n’y a pas de vie. Chaque chose que la Terre nous offre il faut lui rendre d’une manière ou d’une autre. Les petits frères ont rompu l’équilibre, ils pillent nos tombes depuis bien trop longtemps. Ils réveillent nos ancêtres et volent l’or de la Terre mère. La Terre est malade, les petits frères ne comprennent pas, ils veulent s’enrichir mais seul l’équilibre compte, et il ne s’achète pas…
Pour comprendre :Les Kogis vivent reculés dans la Sierra Nevada de Santa Marta, une chaîne de montagnes culminant à plus de 5000 mètres couverte d’une jungle luxuriante à seulement quelques dizaines de kilomètres de la mer des caraïbes colombienne.
Les Kogis se considèrent comme les Grands frères, les gardiens de la Nature et nous désignent comme les petits frères ayant encore tout à apprendre.
L’apparition de leur communauté remonte à plus de 4000 ans et malgré la conquête espagnole leur culture et leurs traditions ont été conservées. Les Kogis enterrent leur défunt selon un rituel bien précis et déposent de l’or dans les tombes comme offrande à la Terre mère pour rééquilibrer les dommages subis par la nature du fait de l’activité humaine. L’équilibre constitue une perpétuelle recherche pour les Kogis et tous leurs faits et gestes en dépendent.
Depuis la découverte en 1973 de sites archéologiques de la civilisation Kogui (la ciudad perdida), les pilleurs de tombes affluent du monde entier pour voler l’or enterré avec les défunts dans les tombes.
Chaque pillage représente une plaie ouverte dans le cœur des Kogis et une rupture de l’équilibre établi mais, ce n’est pas le seul drame pour cette civilisation qui doit aussi affronter conflits armés entre guérillas et paramilitaires, suppression de leurs terres par les narcotraficants et déforestation…
#3 Sukua – Fait partie de la communauté Kogi, vit dans la Sierra Nevada, Colombie
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- 6-Ciudad Perdida (78)c.jpg (146.24 Kio) Vu 2004 fois
- Photo prise le: Lundi 06 Octobre 2014 9:43
- Focale: 135 mm
- Vitesse de fermeture: 1/640 Secs
- Nombre-F: F/2
- Vitesse ISO: 100
- Balance des blancs: Auto
- Flash: Le flash ne s'est pas déclenché, mode flash obligatoire
- Modèle d'appareil-photo: Canon EOS 60D
- Programme d'exposition: Manuel
- Correction d'exposition: 0 EV
- Mode de mesure: Pattern
- Logiciel: Adobe Photoshop CS6 (Windows)
Les mots de Sukua :Mon mari était Mamu, il voyait à travers les apparences. Il est mort hier soir de la colère de la Terre Mère. Elle a pris un de ceux qui savent voir à travers les montagnes, à travers le cœur des hommes. Elle a pris notre guérisseur, notre professeur. L’Equilibre parait difficile à préserver, la Terre souffre de plus en plus, elle récupère les Mamus à présent, les grands guides de la communauté…
Pour comprendre :Pour les Kogis, la mort n’entraîne pas la tristesse, le deuil n’existe pas dans cette communauté. La mort signifie uniquement qu’il y a rupture de l’Equilibre et que la nature reprend ses droits. Dans ce cas, le fait qu’elle reprenne un Mamu (une personnalité très importante) symbolise un grand déséquilibre, une grande souffrance de la Terre Mère ce qui inquiète beaucoup les Kogis.
En effet, les mamus jouent un rôle très important au sein de la communauté. Ce sont en quelque sorte des « chamans » qui maintiennent la vie et l’harmonie avec la nature dans le village.
L’éducation du mamu commence dès la gestation dans le ventre de sa mère. Après sa naissance, il est accompagné par son mamu professeur, celui qui le guide vers le chemin des neuf mondes. Vers l’âge de quatre ans, il est amené dans une grotte baignée par une totale obscurité dans laquelle il médite pendant 18 ans ne sortant que la nuit pour ses besoins. Cette période d’apprentissage est entièrement encadrée par le mamu professeur, seule personne que l’élève est autorisé à voir. L’obscurité permet à élève mamu de se libérer totalement des apparences en laissant place à l’essence même des choses composant la vie.
Durant cette période il ne connait pas la montagne mais il connait son esprit, il ne connait pas les arbres, les pierres, le soleil, les rivières ni les hommes mais il en connait les esprits.
Son initiation s’achève par cette phrase de son professeur : « Tu as appris à voir à travers les montagnes, à travers le cœur des hommes, maintenant tu es un mamu ». Le jeune mamu devient alors un des Grands gardiens de l’Equilibre.
Les mamus maintiennent l’harmonie avec la nature à l’intérieur de chaque Homme afin d’éviter qu’il ne tombe malade. Le déséquilibre crée la maladie et la nature reprend possession de ce qui lui est dû à travers la maladie. Les mamus aident chaque habitant à dialoguer, à se connaître soi-même, à travailler sur leurs rêves, à verbaliser leurs émotions et leurs intentions. Ils apprennent aux Hommes à cultiver la terre, à construire des maisons, des ponts en respectant la Terre Mère. Ils règlent les différents entre les habitants, en connectant leurs esprits, en expulsant les énergies perturbatrices et les non-dits. Les mamus éduquent les Hommes, ils transmettent leur savoir afin que tous les habitants de la communauté soient à leur tour gardiens de l’Equilibre..
#4 Santiago - Vit sur la côte caraïbe colombienne
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- 5-Camarrones (95)c - Copie.jpg (107.2 Kio) Vu 2004 fois
- Photo prise le: Lundi 29 Septembre 2014 9:56
- Focale: 135 mm
- Vitesse de fermeture: 1/500 Secs
- Nombre-F: F/2
- Vitesse ISO: 320
- Balance des blancs: Auto
- Flash: Le flash ne s'est pas déclenché, mode flash obligatoire
- Modèle d'appareil-photo: Canon EOS 60D
- Programme d'exposition: Manuel
- Correction d'exposition: 0 EV
- Mode de mesure: Pattern
- Logiciel: Adobe Photoshop CS6 (Windows)
Les mots de Santiago :La marijuana ? Dans le temps les p’tits jeunes j’en avais 2 hectares ! Des plantes plus grandes que toi mon p’tit ! C’est pas moi qu’ ai voulu ça hein, c’sont eux. Moi j’avais rien demandé, j’cultivais rien que d’la banane avant qu’ils arrivent. On n’a pas eu l’choix. Ils sont arrivés en nous promettant monts et merveilles, que la marijuana ca rapportait gros, que tout l’monde s’y mettait à présent. Faut dire qu’avec nos bananes on roulait pas sur l’or, c’est pas tous les jours qu’on mangeait à notre faim. Alors dans cette nouvelle plante on y a vu de l’espoir et on a accepté. Mon frère a refusé, ils ont pas hésité, lui ont tiré d’ssus au pauvre homme et pas qu’à lui. Du plomb dans la cervelle qu’ils leurs mettaient aux résistants. J’lai cultivé pendant 15 ans leur fichue plante. On a jamais vu c’qu’ils nous avaient promis, ils ont massacré la moitié du village, on est restés pauvres ils sont devenus riches…
#5 Isadora – Vit sur la Péninsule de la Guajira - Colombie
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- 5-Camarrones (113)d.jpg (175.7 Kio) Vu 2004 fois
- Photo prise le: Lundi 29 Septembre 2014 16:14
- Focale: 135 mm
- Vitesse de fermeture: 1/640 Secs
- Nombre-F: F/2.2
- Vitesse ISO: 250
- Balance des blancs: Auto
- Flash: Le flash ne s'est pas déclenché, mode flash obligatoire
- Modèle d'appareil-photo: Canon EOS 60D
- Programme d'exposition: Manuel
- Correction d'exposition: 0 EV
- Mode de mesure: Pattern
- Logiciel: Adobe Photoshop CS6 (Windows)
Les mots d'Isadora :Je m’appelle Isadora, j'ai 6 ans et je fais partie de la communauté Wayúu. Mon grand-père est cacique c’est-à-dire que c’est l’un des chefs de la communauté. C’est lui qui prend les décisions dans le village. Les habitants du village viennent le voir pour lui demander des conseils ou pour régler des conflits. Parfois les habitants nous offrent des bonbons à mes frères et moi.
Grand père connait toute l’histoire de la communauté depuis sa création. Souvent il la raconte à Pedro mon grand frère et parfois j’ai le droit d’écouter. Il explique avec fierté que la communauté Wayúu est la seule à ne pas avoir été conquise par les espagnols. Grand père dit que plus tard ça sera Pedro qui prendra sa place comme cacique.
#6 Maria – Vit dans la banlieue de Bogotá - Colombie
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- 2-San Gil (5).jpg (222.81 Kio) Vu 1885 fois
- Photo prise le: Mardi 16 Septembre 2014 15:35
- Focale: 135 mm
- Vitesse de fermeture: 1/1000 Secs
- Nombre-F: F/2
- Vitesse ISO: 200
- Balance des blancs: Auto
- Flash: Le flash ne s'est pas déclenché, mode flash obligatoire
- Modèle d'appareil-photo: Canon EOS 60D
- Programme d'exposition: Manuel
- Correction d'exposition: 0 EV
- Mode de mesure: Pattern
- Logiciel: Adobe Photoshop CS6 (Windows)
Les mots de Maria :Cela fait quelques années maintenant, c’était un 8 décembre, il n’avait que 24 ans. Pedro n’avait pas de travail mais il aurait tout donné pour en trouver un. Ce jour-là, l’armée est arrivée dans le village, ils ont proposé du travail à une dizaine de jeunes comme Pedro. Il s’agissait de repeindre un bâtiment dans un département voisin. Pedro est rentré à la maison pour nous prévenir qu’il s’absenterait durant trois jours car il avait trouvé de quoi se faire un peu d’argent. Il était tellement heureux si vous l’aviez vu ! Il disait qu’il travaillerait si bien qu’on lui proposerait surement pleins d’autres petits boulots comme celui-ci !
Il est parti ce 8 décembre là, il n’est jamais revenu… Cinq jours plus tard, ils ont été retrouvés lui et les autres jeunes, assassinés, dans un champ. Pedro gisait là avec 13 balles dans le corps. Il était habillé comme les guérilleros que l’on voit passer parfois dans le village. Il portait une arme et un uniforme.
Dans la journée on a pu voir à la une des journaux : « Onze guérilleros abattus par l’armée colombienne hier matin ; des soldats récompensés pour leur bravoure », « Un groupe de la guérilla FARC neutralisé dans la province de Villavieja ».
Mon petit fils n’était pas guérilleros ! Je le jure devant dieu ! C’était un bon garçon, il a toujours été exemplaire avec ces proches. Personne ne nous a cru mais peu importe j’en suis sûre, c’était une mise en scène, Pedro ne pouvait pas en être un. Non, pas lui, j’en suis certaine.
Pour comprendre :Le scandale des falsos positivos (faux positifs) a éclaté en 2008 suite à des assassinats de civils par l’armée colombienne. Le président Uribe arrive au pouvoir en 2002 en faisant campagne sur l’éradication de la guérilla en Colombie (il refusait toute négociation de paix). Il met alors en place un système récompensant les soldats d’une prime et/ou de jours de permission pour chaque guérillero assassiné. Ce système a bien évidement très vite engendré des dérives, les militaires maquillant des civils innocents en membres de la guérilla. Cette pratique s’est largement généralisée entrainant la mort de milliers de « faux » guérilleros. Aujourd’hui dans plus de 98% des cas les militaires ayant commis ces atrocités sont restés impunis.