….Au paradis des animaux, l'âne photographe demande au bœuf :
Te souviens-tu ? Il y a très longtemps, de cette nuit, où nous nous sommes retrouvés dans une espèce de grange avec une mangeoire et des hommes.
Euh ! Laisse-moi penser ... Mais si - réponds le bœuf - Si je me souviens bien, il y avait même un petit d'homme à peine né.
Effectivement ! Mais te souviens-tu du temps écoulé depuis lors ?
Bien sûr, que non, je ne suis qu'un simple bœuf !
Plus de 2000 ans.
Non !
À propos ! Sais-tu qui était ce bambin ?
Mais comment pourrai-je le savoir ? Des gens de passage, je crois.
L'âne murmura alors quelque chose à l'oreille du bœuf.
“Mais non ! - répondit le bœuf - tu plaisantes, j’espère .
“Je te jure que c’est la vérité. D'ailleurs, je l'avais immédiatement compris “.
“Moi non “ - confessa le bœuf -
“Sais-tu ? -repris l’âne- que depuis lors, chaque année, et à date fixe les hommes font pour son anniversaire une grande fête qu’ils nomment Noël “ Et si tu les voyais… Serein, rempli de douceur, l’âme en paix, les familles en fête, l’amour est partout.
Même les délinquants et les voleurs deviennent doux comme des agneaux.
“Non ! “ et si !
“Tiens !-rétorqua l’âne- je viens d'avoir une idée, “ la chose est tellement surprenante, , que nous pourrions aller y faire un tour. Je prends mon appareil-photo et partons les voir.
“Où ? “ Mais sur la terre !
Sur la terre ! nous ? mais toi, y es-tu déjà allé ?
Moi, si tu savais ? chaque année, j'y descends pour visiter les marchés d'hiver, les salons photographiques et les expositions.
Ainsi fut dit, ainsi fut fait.
Ils planèrent vers la terre, et guidés par une grande tache lumineuse arrivèrent au beau milieu d’une mégapole.
Et voilà comment par un soir de décembre, un âne photographe et son compère le bœuf se retrouvèrent dans le trafic chaotique d'une grande ville.
Un spectacle impressionnant fait de lumières, vitrines, décorations de fêtes, de sapins enguirlandés, d’embouteillages de voitures bruyantes et polluantes, de mille bruits, de trottoirs pleins de gens les bras chargés de paquets, courant et criant dans tous les sens, les yeux à la recherche du petit objet à offrir en cadeau.
Alors que le bœuf semblait visiblement inquiet, l'âne s'amusait beaucoup et photographiait tout ce qui passait devant son objectif, sans oublier les vitrines d’appareils photo.
“Mais dit le bœuf“, tu m’avais dit que nous allions voir Noël, Ici il me semble que les hommes se font la guerre.
“Mais que dis-tu ?” ne vois-tu pas combien les gens semblent heureux ? Regarde toutes les photographies que je fais, ils ont tous l’air heureux.
Heureux ? j'ai plutôt l'impression qu'ils sont tous fous.
“Mais mon cher bœuf“, tu n’es qu’un provincial, tu ne connais pas les hommes n'y leurs habitudes, qui pour se sentir heureux en cette période, nécessitent de se briser les nerfs, de courir, de se fatiguer, d’acheter sans compter, de gesticuler, de chanter et de rigoler.
Fatigué de ce chaos, le bœuf en un coup d'aile, suivi de l'âne photographe, rejoignit pour se reposer la terrasse d'un immeuble.
Quelle ne fut pas alors leur surprise d’apercevoir à travers les fenêtres, une multitude de gens assis et occupés à écrire des bouts de papier richement décorés pour les enfiler dans des enveloppes, les lécher ! et recommencer.
L’âne, remplissait ses cartes mémoires, se maudissant déjà d’avoir eu cette idée. Il lui faudrait les trier, les traiter et les éditer pour les montrer aux amis.
“ Mais que font-il ? “ demanda le bœuf, mais des cartes de vœux, répondit l'âne photographe.
“ Je suppose - dit le bœuf - qu’ils recevront un bon salaire pour faire un tel travail“
“Mais non, rien ! Les hommes qui ont cette manie ne reçoivent pas d'argent”.
Par une autre fenêtre, ils virent d’autres personnes faire des paquets, les envelopper, les ficeler, faire et refaire des décorations, des bouquets de fleurs, décorer des petits arbres, remplir des paniers avec des bouteilles et des victuailles de toutes sortes. Une usine quoi !
Aller, venir, acheter, expédier et recevoir, emballer et déballer, appeler et répondre sans jamais quitter des yeux les horloges ou les montres. Certains même ivres de fatigue ouvraient les fenêtres pour mieux respirer. Et là, ciac…. ciac… l’âne faisait des portraits rapprochés.
“Mais !” dit le bœuf, tu m'avais dit qu'à cette occasion paix et sérénité régnait sur terre.
“Eh oui ! “ c'était comme cela, avant ! Mais depuis qu’ici on ne parle que de société de consommation, c’est comme ça. Il semble qu'ils soient tous atteints d'un mal mystérieux.
“Écoute et regarde !“
Effectivement, depuis les rues, les magasins, les usines et les maisons un brouhaha constant fait de phrases toutes faites et monotones comme : bonnes fêtes, meilleurs vœux, je vous remercie, à vous aussi, je t’aime… s’élevait.
“ Incroyable ! “ dit le bœuf, ici tout le monde s'aime tant que ça ?
“l’âne se tut“…
“Et si nous allions nous reposer ?“ Es-tu certain que tous ces gens ne sont pas devenus fous ? continua le bœuf.
“Mais non mais non c’est simplement Noël”, répondit l’âne.
Mais te souviens-tu ? de la paix du calme et de la sérénité qui régnait dans cette grange, des voyageurs, de nous deux, de cet enfant, de cette grosse étoile dans le ciel ? dit le bœuf en se grattant les naseaux.
Tu sais quoi ? dit l'âne, je crois que tu as raison, ici rien de tout ça. Rien que du brouillard, de la pollution, du bruit et même pas d'étoiles !
Alors, rentrons ! Et ils s’envolèrent, laissant les hommes à leurs affaires…
Finalement, arrivé chez lui, l’âne photographe ouvrit son appareil pour y extraire la carte mémoire pour visionner toutes les images de son voyage.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir sur son logiciel les vrais traits des hommes.
-Il n’y a pas de mensonge au paradis-.
Là où il pensait avoir saisi des sourires, pas grand-chose ! beaucoup de tristesse, même quelquefois de l’hypocrisie et souvent du mensonge. Mais alors ? fit l’âne !
Le bœuf dans sa grande sagesse de bête lui dit alors : Mais ignores-tu? –toi l’expert- que derrière une photographie se cache toujours la vérité !
Contrairement aux enfants qui généralement ne savent pas encore mentir et feindre, un portrait cache souvent une illusion, une situation, un problème ou encore une souffrance.
Profitons de ces quelques jours de convivialité, pour relativiser, nous reposer, réfléchir, nous calmer. Renvoyer Chimère à Typhon et Échidna, leurs idiots de parents, et chassons les fausses vérités de nos cœurs.
Prenons nos appareils-photos pour immortaliser nos réels sentiments, nos sensations, nos joies, notre amour vers nos proches, ainsi que notre sincère solidarité vers les peines et les souffrances des autres.
Comme disaient les Anciens d'ici,
"Moda taflava beige…Ningue te t’adma ferie familie e beige sta conta storie de ci vida e d’amore"
Rien ne remplacera jamais durant ces fêtes, les cercles de famille autour des vieux, qui à l’automne de leurs vies, transmettent aux nouvelles générations leurs savoirs et leurs amours.