Je viens apporter ma pierre à l'édifice ! (Je vais certainement répéter des choses déjà savamment dites dans ce fil par quelques fins connaisseurs de la physique optique.)
En étudiant le comportement de mon macro 150 Sigma, je me suis confronté à plusieurs dilemmes. Premièrement, c'était bien le seul objectif à communiquer au boîtier (un Nikon) la perte d'ouverture liée à l'augmentation du tirage. Ensuite, j'ai remarqué que le diaphragme se fermait naturellement et mécaniquement en augmentant le grandissement (mise au point proche), tout en restant pourtant à la même position du levier de commande du diaphragme. Voici deux étranges phénomènes.
Le premier a trouvé rapidement la réponse en flânant ici et là sur le net : la perte d'ouverture. Cependant, j'ai appris par la suite qu'il s'agissait plus exactement de la perte photométrique (perte de lumière) et non pas la perte géométrique (liée à la profondeur de champ réelle). En effet, un objectif macro f/2.8 par exemple reste géométriquement un f/2.8 quelque soit la distance de mise au point. Par contre, il perd naturellement de la lumière, avec un ratio de 4 (2 IL ou 2 crans de diaph) lorsqu'on atteint le rapport de grandissement de 1. Quoi qu'il arrive, nos boîtiers compensent cette perte au niveau de l'exposition ou du dosage du flash (TTL). Ensuite, deux philosophies se dégagent. Les boîtiers Nikon tiennent compte de cette perte et l'affichent. Ils affichent donc l'ouverture photométrique. Les boîtiers Canon ignorent tout simplement ce fait et affichent toujours l'ouverture géométrique. De plus, seuls les vrais objectifs macro à puce fonctionnent ainsi et communiquent cette perte chez Nikon.
Juste une anecdote concernant mon objectif, le Sigma 150 f/2.8, celui-ci passe à f/3 à partir de 6 m de distance, puis f/3.2, 3.3, 3.5, 3.8, 4, 4.2, 4.5, et passe violemment à f/5.6 entre le rapport 1/1.3 et le rapport 1. Je mets ça sur le compte d'une implémentation approximative du procédé, car en fait il est inutile d'être précis.
Quand il s'agit de calculer la profondeur de champ, c'est facile à l'infini puisque l'ouverture indiquée est la vraie ouverture géométrique. C'est facile aussi à calculer au rapport de grandissement 1 puisqu'il y a une différence d'exactement 2 diaph entre la photométrique (indiquée) et la géométrique. Mais entre ces deux extrêmes, c'est un peu au pifomètre.
Au tout début, je voyais la philosophie de Nikon bien plus maligne que celle de Canon. Avec le temps, j'en suis venu à penser l'inverse, bien que cette dernière laisse le photographe débutant dans l'ignorance de cette perte de lumière.
Voila qui éclaircit entièrement le premier mystère. Reste le second, ce diaphragme qui semble se fermer tout seul mécaniquement lorsqu'on rapproche la distance de mise au point.
Par une astuce couramment utilisée de nos jours, les objectifs ont tendance à diminuer la focale pour plus facilement atteindre de grands grandissements. Le Sigma 150 f/2.8 n'y échappe pas, d'autant plus que sa mise au point est interne. Je n'ai pas été calculer exactement la focale résultante à sa mise au point minimum de 38 cm. Je l'estime autour de 100 mm à vue de nez. Du coup, s'il faut conserver une ouverture géométrique constante de f/2.8 alors que la focale diminue, il devient logique de fermer aussi le diaphragme ! Voila l'explication. C'est simple comme bonjour !
Si ce diaphragme ne se fermait pas, alors on serait confronté à une ouverture exagérément grande avec un fort vignetage. Une focale de 150 mm avec une ouverture de f/2.8 conduit à un puits de lumière d'environ 53 mm de diamètre, ce qui est environ la taille de la lentille frontale. Avec la vraie focale au pif de 100 mm supposée ci-avant, on aurait alors une ouverture équivalente (au centre de l'image) d'environ f/1.89. Le vignetage fort est dû à ce moment-là à la conception intrinsèque de la formule optique, et la perte de lumière en-dehors de l'axe optique se fait sentir bien plus vite, car les obstacles sont nombreux à l'intérieur de l'objectif en dehors du diaphragme resté grand ouvert à tort.
On en vient alors au fait que certains objectifs évoluent différemment. Certains perdent plus ou moins 2 IL, mais pourquoi ? Tout simplement parce que leur diaphragme n'est pas conçu identiquement. Si mon Sigma 150 semble être conçu pour conserver la vraie ouverture géométrique de f/2.8 (et donc perd bel et bien 2 IL au rapport 1), ce n'est pas le cas de tous, et certains peuvent tricher en aboutissant quand même à une ouverture géométrique au final supérieure (chiffre plus petit) à la valeur nominale de l'objectif, et donc quand on prend en compte cette perte universelle d'exactement 2 IL en terme d'ouverture photométrique réelle, on aboutit à quelque chose qui n'est pas à 2 IL en-dessous de l'ouverture nominale indiquée sur le fût. Pour faire simple, ça explique pourquoi certains macro à f/2.8 se ferme à f/5.6 (cas de ce macro Sigma 150), et d'autres à seulement f/3.3 ou autres.
Sachant cela, ni la philosophie de Nikon, ni celle de Canon n'est la bonne. On en revient donc à l'époque du tout manuel, quand il s'agissait de calculer la véritable ouverture géométrique, puis la photométrique, à partir de tables spécifiques à chaque objectif. Déjà, comme cette dernière est aujourd'hui calculée par le boîtier ("Thru The Lens", ou "à travers l'objectif" pour les non-anglophones), alors notre travail est simplifié.
Si vous avez réussi à me suivre, bravo
En tout cas, je plussoie concernant le site de Pierre Toscani. C'est une véritable mine d'or pour qui est curieux et un minimum instruit en la matière. Ses explications aux petits oignons m'ont aidé à comprendre ces deux mystères
La macro est un domaine décidément bien complexe et qui n'a rien à voir avec la photo standard. Chouchoutez bien vos objectifs macro, ils sont très complexes, bien plus que vous ne l'imaginiez !