Si je peux apporter mon eau au moulin, ce sera juste pour citer un extrait d'un texte de Pierre Desproges dans les chroniques de la haine ordinaire et datant de 1986 (comme le temps passe) et déjà, avant internet tout était dit.
Le voici donc :
Lettre ouverte aux cuistresJe viens de recevoir la lettre circulaire suivante :
Monsieur Pierre Desproges
Mon désir est de réunir dans un même livre des individualités Françaises : Hommes de télévision et médias, Artistes de Cinéma et de Théâtre, Musiciens classiques, Écrivains, Hommes d'Affaire, Artistes de variétés, grands Chefs Culinaires.
Le sujet du livre concernera vos attirances et relations avec le vin, et votre avis sur "L’Acte de Boire".
je serai des plus flatté si vous acceptiez de paraître en ce livre, approuvé par les éditions HACHETTE.
je vous serai très reconnaissant de me contacter par téléphone pour établir les modalités nécessaires en vue d'un entretien;
Avec toute ma sympathie et l'espoir de votre future collaboration, je vous prie de croire, Monsieur, en mes sentiments les meilleurs.
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J'aime beaucoup votre lettre, Monsieur S., parce qu'elle vient de me donner une idée.
Si j'ai bien compris votre démarche, vous entendez faire écrire votre livre à l'œil par une bande de nègres gratuits dont vous comptez sur la verve ou le talent pour pallier votre propre incompétence littéraire. En échange de quoi vous toucherez les droits d'auteur à leur place. C'est normal, puisque c'est vous qui avez la machine à écrire.
C'est vraiment une bonne idée. Des lettres comme la vôtre, Monsieur S., pour vous donner le fond de ma pensée et tapisser celui de ma poubelle, il m'en échoit quatre ou cinq par mois. Connement, il n'y a pas d'autre mot, je n'y répond jamais. Pire: j'ai même réagi violemment un jour, avec l'appui de mon éditeur, en faisant retirer de la vente, un catalogue de boutades compilées (du latin "compilare"= piller) par un inemployé aux écritures qui, le pauvre homme, ne possédait même pas le photocopieur qui lui eût permis de m'annoncer à temps le pillage auquel il allait se livrer dans les livres des autres, ce dont je n'eus cure, et dans les miens, ce qui m'outra.
Certes, vous n'aurez pas un mot de moi, Monsieur S., dans votre prochain ouvrage, parce que plus le temps passe et me presse avant que mort s'ensuive, plus j'ai tendance à écrire pour nourrir ma famille et moins j'ai envie d'arroser la vôtre.
Mais quelle excellente idée vous eûtes, Monsieur S.!
Figurez-vous que je l'ai reprise à mon compte. Et permettez-moi de vous faire lecture d'une lettre que je viens de rédiger.
Pierre Desproges, chroniqueur haineux à Monsieur X Artisan compagnons de France.
Monsieur...
Mon désir est de réunir dans une même bâtisse des individualités artisanales françaises: Maçons, peintres, plombiers, carreleurs, électriciens etc...
Le genre de la maison sera luxueux mais sobre et de bon goût et rappellera à tous votre savoir-faire.
Je serais des plus flattés si vous acceptiez de me la construire à l'œil.
Je vous serais très reconnaissant de me contacter par téléphone pour décider de la date de début des travaux.
Avec toute ma sympathie et l'espoir de votre collaboration...
Pierre DesprogesSinon, quand le moindre plombier se rend chez vous pour des travaux, en plus de ses frais de déplacement, il n'hésite pas à vous facturer sa prestation et cela, même s'il n'est pas reconnu comme étant une "pointure" dans sa profession
Arrêtons de travailler gratuitement, et cela quel que soit le niveau de chacun et ceux qui pensent le contraire, ils n'ont qu'à regarder leur fiche de paye à la fin du mois et à virer le montant vers des associations caritatives.